top of page

Habitats Alternatifs - Chantier Maison Terre/Paille de la G'House !

Dernière mise à jour : 12 juil. 2022

Pour préparer le Monde d'Après il faut à la fois s'opposer à notre société capitaliste mais aussi préparer les alternatives au productivisme. L'un ne va pas sans l'autre. Nous sommes de plus en plus à expérimenter des modes de vie différents parmi ceux qui ont la chance de pouvoir se le permettre (pas de prêt à rembourser, budget de départ, famille en soutien...). Cela peut se traduire par une mise en commun d'espaces et d'outils avec des projets d'habitats groupés. Cela peut aussi se traduire par un type d'habitat utilisant des matériaux plus écologiques. Dans tous les cas cela veut dire adopter un mode de vie plus résiliant et ainsi limiter notre impact carbone. Le site Toits Alternatifs permet de découvrir et de s'informer sur de nombreuses alternatives concernant l'Habitat.

Malheureusement, les obstacles juridiques, financiers et les verrouillages socio-techniques sont encore nombreux pour ceux qui souhaitent se lancer dans ce genre de projets que ce soit au niveau du type d'habitats (habitats légers, habitats trop "originaux" ou pas assez "conventionnels") ou au niveau de l'acquisition de terrains (de moins en moins de terrains constructibles, préemption de la SAFER au profit de l'agriculture intensive, achat de fermes en résidences secondaires par les classes supérieures qui font monter les prix et ne refont pas vivre les zones rurales puisque qu'ils ne vivent pas sur place à l'année...) mais cela pourrait faire l'objet d'un article entier.


Concentrons nous dans cet article sur l'habitat alternatif. S'il existe plein de solutions d'habitats plus ou moins adaptés aux différents contextes (ville, campagne...), la maison "Terre/Paille" est une des bonnes solutions pour les zones rurales. Mais qu'est-ce qu'une maison "Terre/Paille" ? C'est une maison réalisée principalement avec ces matériaux locaux que sont le bois (pour la structure porteuse ou non), la paille (pour l'isolation) et la terre (pour les enduis des murs intérieurs et/ou extérieurs).

Il existe une multitude de techniques de fabrication en paille, en terre et en bois, certaines techniques combinent les 3 matériaux, d'autres seulement 2. Pour les différentes techniques de construction en paille, faites un tour sur le site du Réseau Français de la Construction Paille.  Dans cet article nous allons nous attarder sur la construction d'une maison utilisant la technique CST (Cellule Sous Tension) qui consiste à réaliser des murs porteurs à base de bottes de pailles (les cellules donc) compressées les unes contres les autres (sous tension).



J'ai participé en tant que bénévole à ce chantier auto-construit par les habitants de "La G'House", un projet d'habitat groupé à Saint-Dié-des-Vosges. Ce chantier a eu lieu en juillet 2018. Nous étions une vingtaine pour construire cette maison terre/paille en forme de 2 hexagones pendant 3 semaines avec 2 animateurs.

J'avais trouvé l'info grâce au site web Twiza que je recommande pour trouver des chantiers participatifs mais il en existe d'autres comme Workaway ou Wwoof France qui proposent quelques chantiers. Il y a beaucoup d'habitats alternatifs qui se font en auto-construction sous forme de chantiers participatifs. Les bénévoles cherchent à se former pour leurs futurs projets et pour devenir plus résilient en général (volonté de réapprendre à faire soi-même et de s'autonomiser), à se faire un réseau de contacts liés aux alternatives pour préparer le Monde d'Après et bien sûr à mettre en application l'Entraide. Le tout se fait généralement dans une super ambiance car des liens très forts se créent quand on réalise de tels projets en équipe.



La G'house c'est 2 frères, leur cousine et un ami qui se sont regroupés pour acheter un terrain en commun avec une ancienne ferme près de Saint-Dié-des-Vosges sous la forme d'une SCI : Société Civile Immobilière. Ils habitaient jusqu'ici tous dans la ferme en colocation et la nouvelle maison logera 2 des habitants. Chacun occupera un des hexagones composant la maison.





En 2017 ils avaient déjà fait un premier chantier participatif pour isoler en paille une partie des murs extérieurs de la ferme.




Quand nous sommes arrivés sur le chantier, seul le terrassement avait été fait et des tranchés remplies de graviers pour le drainage du sol.



Le plan de la future maison montre bien les deux hexagones avec quelques pièces en plus du côté nord (en bas sur l'image) qui serviront de salles de bains et de "sas" d'entrée.



Pour travailler, nous avions à disposition un ensemble d'outils regroupés sous un barnum. Nous disposions de deux scies radiales, une dizaine de perceuses et visseuses, une tronçonneuse, des scies à main, des ponceuses, deux scies circulaires, une meuleuse, de la visserie, des tréteaux, des rallonges électriques et divers outils indispensables (mètres, règles, crayons de charpentier, équerres, casques anti-bruit...). Les établis ont été réalisé en palette sur place.



Nous avions également un stock de bottes de paille qui nous a fallu réapprovisionner plusieurs fois.



La terre utilisée pour ce chantier était local. En effet, il s'agissait de la terre issue du terrassement ainsi que du trou réalisé au fond du jardin pour une future marre.



Nous avons donc commencé par définir le futur emplacement de la maison.



Sachant qu'un hexagone est composé de six triangles équilatéraux et que 3 liteaux de même longueur joints ensembles forment un triangle équilatéral, nous avons pu matérialiser la forme de la maison au niveau du sol en procédant par étape.



Les liteaux pré-percés à leur deux extrémités étaient enfilés sur des fers à béton plantés dans le sol comme sur cette photos.



Le premier liteau fut orienté vers le sud.



Une fois les extrémités du premier liteau marquées par deux fers à béton, nous avons pu établir l'ensemble des deux hexagones en construisant les uns après les autres les triangles équilatéraux correspondant et en marquant chaque extrémités par des fers à bétons.



Pour découper les fers à bétons il y a deux solutions. La première : les découper à la meuleuse.


La deuxième, pour un impact carbone moindre : avoir Mathias sur le chantier :)


Une fois les différents fers à béton en place, l'étape des fondations allait commencer. Pour les Flexagones, pas de dalle en béton. Ici les maisons reposent sur des pneus remplis de gravier. Ainsi on fait de la récup et on rend la construction antisismique.



Le remplissage des pneus n'est pas la tâche la plus simple car il faut bien tasser pour être sûr que le pneu est complétement rempli.




Et en plein soleil au moi de Juillet c'est encore plus dur.


Sans compter que le haut de chaque pneu doit arriver au même niveau pour avoir une maison qui sera à niveau.



Pour cela nous avons marqué chaque fer à béton en faisant le niveau avec une technique simple. Le niveau à eau. Pour plus d'explications sur cette technique ! Ou bien ici !




On place un niveau zéro sur le chantier matérialisé sur un liteau. Il sera notre référence pour vérifier la hauteur de chaque élément de la maison grâce au niveau à eau.


Une fois les pneus finis et à niveau on met en place des panneaux de bois en mélèze car imputrescible qui soutiendront la structure de la maison.





Et voilà, une fois l'ensemble des panneaux de bois finis et à niveau et avant de commencer la structure de la maison, nous avons chacun écris un message sur ceux-ci pour porter chance aux futurs habitants.



Nous les avons ensuite recouvert avec des pare-vapeurs.



L'étape de construction de la structure de la maison pouvait enfin commencer par la réalisation des différents éléments : les "U" et les "Triangles". Ils remplacent en fait les poutres et poteaux habituels en économisant du bois. Ces éléments sont en effet construits à base de planches. Des poutres ne sont pas nécessaires car ce sont les murs en bottes de paille qui sont porteurs et qui prennent donc les charges.



Les "U" remplacent des poutres en formant littéralement un "U" avec trois planches assemblées à la colle et aux vis dans la longueur.





Les "Triangles" remplacent les poteaux de la maison et sont constitués de 2 ou 3 planches suivant leur position dans la maison. Ici le schéma d'assemblage des planches.



Il faut donc couper les planches dans la longueur afin d'avoir le bon angle pour les assembler.





Une fois les différents éléments réalisés, on leur passe une couche d'huile de lin que l'on fait préalablement chauffer.



On peut ensuite commencer à assembler les différents éléments pour former la structure de la maison.





Les différents éléments sont vissés entres eux ainsi que dans les plateaux de mélèze. La jonction est ensuite renforcées avec des plaques métalliques vissées.



À chaque fois qu'on assemble un "Triangle" ou poteau, on vérifie sa verticalité au niveau à bulle dans les trois axes puis on fixe sa position à l'aide de liteaux temporaires vissés en haut dans les "Triangles" et en bas au niveau du sol à des piquets en bois enfoncés dans le sol.




On va ensuite s'occuper des éléments supérieurs. En commençant par les lisses hautes qui joignent les "Triangles" entre eux.



On s'occupe ensuite de monter les pannes (pièce de charpente qui supporteront les chevrons du toit) qui sont ici réalisées en assemblant deux pièces de bois dans la longueur.







En parallèle on commence à monter les murs de bottes de paille avec la technique CST (Cellule sous Tension). Les bottes auront été préalablement triées par longueur et trempées sur les deux faces dans la barbotine (de la terre très liquide).






Elles sont ensuite mises de côté pour sécher. Cette terre représente la première couche d'accroche du futur enduit des murs. Cela évite de devoir passer cette barbotine sur les murs à la main une fois ceux-ci montés.




Il s'agît maintenant de monter les bottes de paille les unes sur les autres entre des montant de bois. L'espace entre chaque montant étant 5 cm inférieur à la longueur des bottes afin qu'elles soient comprimées (donc sous tension) horizontalement.

C'est un travail d'équipe avec à chaque fois deux personnes, une de chaque côté de la botte de paille. Pour cela on commence par positionner une botte de travers entre deux montant.



On va ensuite la faire pivoter vers le haut afin de venir la coincer verticalement entre les montants. Pour cela on utilise un manche ou bâton qu'on place sous la botte et qui va dépasser de part et d'autre du mur. Ainsi chaque membre de l'équipe aura une main dessus et va s'en servir pour exercer une poussée vers le haut qui aura comme résultat de faire pivoter la botte de paille.




Maintenant que la botte de paille est verticalement coincée entre les montants on va la pousser vers le bas afin qu'elle soit bien comprimer contre la botte du dessous. Pour cela il faut "danser" sur la botte de paille.




Quand une rangée complète de bottes est terminée, on s'assure de son bon positionnement et de son bon alignement par rapport au mur à l’œil et/ou avec un niveau à bulle. On va ensuite comprimer la rangée vers le bas et verrouiller cette tension avec deux liteaux qu'on place dessus et sur lesquels on va exercer une tension avant de les visser aux montants. Pour cela on utilise toujours le même manche qui possède un trou en son milieu et on vient le visser contre un montant.




Il va nous servir de levier pour comprimer les liteaux vers le bas, contre les bottes de paille.



Pendant que l'un fait pression sur un des liteaux en levant le manche, l'autre visse le liteau dans le montant.




On peut éventuellement s'aider d'un marteau pour taper sur le liteau afin de le comprimer plus facilement.



On inverse ensuite les rôles pour fixer le deuxième liteau de l'autre côté. On fait cette opération pour chaque montant de la rangée de bottes et on passe ensuite à la rangée suivante.



Le plus dur dans le montage des murs reste le haut car il faut réussir à rentrer les dernières bottes de paille dans le peu d'espace qu'il reste sous la lisse haute. Pour cela il y'a de nombreuses techniques qui varient suivant les cas : reformer une botte à la bonne taille, utiliser un cric de voiture pour créer un espace suffisant pour rentrer la dernière botte de paille, utiliser des sangles pour compresser la botte avant de la rentrer puis retirer les sangles, utiliser des plaques de métal comme des chausses pieds pour faciliter l'entrée de la botte dans le mur... L'inventivité est la clef, bon courage :)



Il existe aussi un outil important, le Persuadeur. Il permet de faire rentrer les bottes récalcitrantes dans le mur. Il peut être utiliser à n'importe quel étape pour rectifier un mur et s'assurer que l'ensemble des bottes sont bien alignées. Cet outil est tout simplement fabriqué en fixant un gros bloc de bois sur un manche.


Une fois qu'un mur de paille est terminé on peut commencer à l'enduire de terre.



Pour cela, la première étape est de réaliser l'enduit.



On va donc réaliser des tests de mélange avec la terre du terrain qui a été récupérer au moment du terrassement.



La terre est placée dans des baignoires (de récup) et mélangée avec de l'eau à l'aide d'un malaxeur afin d'être prête pour le mélange de l'enduit.



Une fois les tests concluants, on note la recette finale pour que chacun puisse réaliser le même enduit tout au long du chantier.



Les différents ingrédients à mélanger sont : le sable, l'eau, la terre (ici "barbot"), la paille hachée (avec une tondeuse), l'herbe (tonte de gazon), la sciure et le ferment (ici du houblon). Le ferment a été laissé à fermenter dans une grosse poubelle en plastique noire fermée plusieurs semaines avant le début du chantier. Il peut s'agir de plein de choses : fiente de poule, crottin de cheval... Ils ont chacun un parfum délicat spécifique donc c'est à vous de choisir :) Le ferment sert de liant car il provoquera une réaction dans le mélange qui donnera des enduits terre plus solide une fois qu'ils auront séchés.



On réalise le mélange en ajoutant les ingrédients les uns après les autres dans une bétonnière. On vérifie régulièrement la texture de l'enduit et on rajoute un peu d'eau au fur et à mesure si besoin.


Une fois le mélange prêt, on le verse dans des bacs. Recouvert d'une bâche il attendra d'être utilisé par des bénévoles pour enduire les murs. Il y a 3 ou 4 bacs réalisés en palette qui constituent une réserve afin qu'on ne manque jamais d'enduit. En effet, quand les équipes d'enduit terre vont commencer à travailler sur les différent murs, le besoin en enduit va être très fort et il n'y a qu'une seule équipe pour réaliser l'enduit. Cet équipe commence donc le travail bien avant que les premiers murs en paille soient terminés.





La prochaine étape est l'application de l'enduit terre sur les murs de paille. Mathieu, l'animateur du chantier, commence par faire une démonstration à tous les bénévoles.



Quand des équipes commencent les enduits il y a des bénévoles qui sont chargés de les fournir régulièrement en mélange en leur ramenant des sauts venant des bacs à enduit.



On commence à enduire un mur en l'humidifiant pour favoriser l'accroche de l'enduit sachant que les bottes avaient été préalablement trempées dans la barbotine sur chaque face. Si cette étape n'a pas été réalisée, la première étape consiste à enduire le mur de barbotine en prenant bien soin de la faire pénétrer en profondeur dans la paille. On rebouche également les trous et les irrégularités importantes du mur avant de commencer l'enduit de corps.



On peut ensuite commencer à enduire le mur. On commence par le haut et on descend. Le geste consiste à venir aplatir une poignée d'enduit contre le mur dans un mouvement vif pour que le mélange s'accroche bien au mur. Puis on aplatit la poignée le long du mur vers le haut pour la solidariser avec le reste de l'enduit.



On vérifie régulièrement le niveau du mur et on ajoute ou enlève de l'enduit en conséquence.



Une fois une partie de mur complétement enduite de haut en bas, on va le lisser et l'aplanir. On utilise pour cela une règle en métal.



Le geste consiste à passe la règle en métal le long du mur pour l'homogénéiser et retirer l'éventuel surplus d'enduit. On commence par passer la règle de façon horizontale. Attention, il s'agît de la passer en faisant des zigzags pour ne pas arracher des blocs entiers d'enduit.



On recommence l'opération de façon vertical de bas en haut toujours en faisant des zigzags.



On vérifie également régulièrement le niveau de notre mur jusqu'à ce qu'on soit satisfait.



On finit l'opération en venant ajouter du relief dans le mur avant qu'il sèche ce qui favorisera l'application de l'enduit de finition qui pourra être par exemple à la terre ou à la chaux. Pour cela on passe le peigne sur le mur.



Un premier passage vertical puis un deuxième horizontal.




En parallèle on commence l'isolation du toit en bottes de pailles.



Les bottes de paille seront placées entre les chevrons du toit.



Pour cela on commence par fixer un pare-vapeur sous les chevrons qui empêchera la vapeur d'eau de remonter dans les bottes de pailles. On fixe ensuite des liteaux avec un angle de 45° par rapport aux chevrons. Ils serviront à retenir les bottes de paille et à contreventer la structure du toit.



On vient ensuite mettre les bottes de paille entre les chevrons.







On recouvre ensuite les bottes de pailles avec des panneaux de de fibres de bois qui vont servir d'étanchéité en plus des futurs tuiles.






On fixe ensuite des liteaux et des contre liteaux pour y poser les tuiles.








Après le chantier les habitants de la G'House ont continué à travailler en petit nombre sur la maison.




Parmi les nombreux travaux restant, le plus gros était le sol des maisons en bois.





Un autre a été les enduits extérieurs à la chaux.





Il restera à installer les VMC double flux qui permettent de réchauffer l'air extérieur entrant dans la maison avec l'air intérieur. Cela permet de réchauffer la maison et de l'aérer. Les Habitants de la G'House ont fait le pari de se passer de poêle à bois pour le chauffage misant sur la conception bioclimatique de la maison qui doit laisser passer un maximum de soleil côté sud de la maison. La chaleur s'accumule dans la masse thermique (les enduits terre intérieurs) et se libère la nuit. La très bonne isolation de la maison due aux bottes de paille permettra de conserver cette chaleur très longtemps. Ici on voit l'ouverture prévue pour une VMC.



Voici les maisons en 2020 ! Il reste encore 2 ou 3 bricoles à finir.



Et les intérieurs !



Et le jardin a repris ses droits après depuis chantier :)



Les bénévoles restent souvent en contact et se recroisent à l'occasion des chantiers des uns et des autres. Les liens ainsi crées et les savoirs échangés renforcent les possibilités futures de Résilience et d'Entraide.



À bientôt les amis :)


Textes et photos : Julien Party


1 304 vues

Posts récents

Voir tout
bottom of page